Les services écosystémiques rendus : le rôle assuré par les têtes de bassin versant
Rappelons ici les services écologiques indispensables assurés par les têtes de bassin au bassin versant.
a. Rôle hydrologique
Les cours d’eau de tête de bassin drainent une surface du bassin versant très importante. Par leur petite taille, leur forme et leur rugosité, ces ruisseaux amont réduisent les vitesses d’écoulement, régulent les régimes et écrêtent les pointes de crues. Les végétations riveraines y sont des obstacles à l’écoulement, ce qui homogénéise le flux pour l’aval.
b. Rétention des sédiments
Les cours d’eau amont, même éphémères, retiennent plus de sédiments que d’autres, cette rétention est due à la végétation qui stabilise les berges, filtre l’eau et diminue l’érosion et le transport des sédiments. De plus, la végétation riveraine arborée assure une protection éolienne pouvant avoir un effet brise-vent, diminuant ainsi les risques d’érosion par le vent. Le passage en conduite forcée du petit Tabuc éliminerait partiellement cette fonction.
c. Régulation thermique et luminosité
La luminosité dans ces hydrosystèmes varie beaucoup, les ripisylves abondantes et la végétation des rives contribuent à ces variations. Ces cours d’eau ont ainsi un pouvoir régulateur de la température : en été, ils sont plus frais que le reste du réseau et plus chauds en hiver.
Une baisse du débit du petit Tabuc en été supprimerait par exemple cette fraîcheur relative et ce pouvoir régulateur.
d. Source de la chaîne trophique
La végétation aux abords du cours d’eau amont atténue la luminosité et donc la photosynthèse, ce qui limite la production primaire autochtone, les têtes de bassin sont en revanche des aires d’alimentation riches grâce aux apports allochtones. En effet, de grandes quantités de matière organique telles que feuilles et brindilles, tombent dans le cours d’eau et sont décomposées par des organismes spécialisés.
e. Biodiversité des têtes de bassin versant
La biodiversité des têtes de bassins versants a longtemps été sous estimée et l’on découvre encore des espèces. Cette biodiversité est due au caractère oligotrophe, varié et éphémère de ces milieux. Les têtes de bassin sont des habitats pour une large gamme d’espèces variées. Amphibiens et insectes apprécient ces zones refuges où ils sont protégés par la végétation. Cette biodiversité est mise en danger par le projet de captage, et l’impact à considérer va bien au-delà de celui sur le cours d’eau capté.
Les têtes de bassin versant sont aussi connues pour abriter des espèces endémiques qui peuvent être rares ou menacées, elles sont sensibles aux perturbations de leur habitat ; ces espèces sont des indicateurs de la qualité. Enfin, les cours d’eau de tête de bassin sont des zones de frai favorisées, si ces zones sont dégradées, la reproduction est perturbée et la population menacée.
Le petit Tabuc est en effet, dans sa zone inférieure, une zone de frai pour les truites Fario, il leur fournit par ailleurs un refuge ainsi qu’à différentes espèces lors des crues de la Guisane qui est sujette à une turbidité importante en période d’intempéries. Ces faits nous ont été confirmés par un garde moniteur du Parc des Ecrins, Joseph Juge, maintenant retraité au Casset, qui a détenu dans ses fonctions le pouvoir de police de l’eau sur ces lieux. Ceci plaide en faveur d’une protection de l’amont des cours d’eau en général et de celui-ci en particulier ; l’installation d’un équipement hydroélectrique sur le petit Tabuc va dans le sens contraire : avec seulement une petite partie du débit conservé, ces fonctions ne pourront plus être assurées.
Les Tabuc, en tant que têtes de bassin versant, rendent de nombreux services écologiques, mais sont très vulnérables aux perturbations du milieu. Leur faible puissance spécifique, l’irrégularité naturelle de leur régime induisent un faible pouvoir de restauration par résilience : toute diminution artificielle du débit de l’eau aurait de graves conséquences sur les fonctions exercées. Les perturbations qu’ils subiraient auraient un effet sur l’ensemble du réseau hydrographique, la dégradation des cours d’eau amont ayant de fortes conséquences sur l’écologie à l’aval.